Le times, journal de prison 1959
Albertine Sarrazin
Dessins de : Béatrice Cussol, Dominique De Beir, Fabienne Audéoud, Anne Lise Coste, The Pit
Le 23 décembre 1958, quand ce journal commence, l’événement capital de la vie d’Albertine s’est produit : elle a rencontré Julien. Depuis le jour de la Saint-Jean 58, ils se sont juré de ne plus se quitter. A peine trois mois de liberté commune et ils sont arrêtés, séparés, avec interdiction de communiquer. Julien est libéré en décembre, Albertine doit payer son évasion de 1957.
Le times apparaît alors comme l’entreprise par laquelle Albertine introduit dans sa cellule un interlocuteur, un témoin, un «autre» dont elle a besoin pour «trouver une chance de se définir». Et cet autre prend évidemment la figure de Julien. Alors qu’on pourrait s’attendre à un journal témoin de la douleur de l’enfermement, on découvre une éternelle déclaration à l’être aimé, où l’amour occupe la place maîtresse. Est-ce bien là une jeune fille de 21 ans qui écrit ? On ne se lasse pas d’être surpris, par tant de sagesse et de maturité. Et si l’on suit pas à pas les événements majeurs de la vie d’Albertine – c’est l’époque où son mariage se prépare – c’est avant tout une conscience lucide, profondément aiguisée, à la recherche de soi dans les multiples contradictions dans lesquelles elle est enferrée qui nous est donnée à lire. Quand se voir, se toucher sont impossibles, quand à peine il est permis de se rencontrer devant témoins et des deux côtés d’un grillage, quand un mariage se bâcle en quelques minutes, ces pages apparaissent comme le moyen de se forger une certitude, de se convaincre malgré les doutes qu’un destin est possible.
C’est là, en effet, la plus grand qualité de ce texte : nous assistons à la naissance d’un écrivain. Une langue s’invente, nourrie de l’expérience carcérale, ce mélange d’argot, d’anglicismes et de langue classique parfaitement maîtrisée qui fera le succès des trois romans publiés de son vivant et qui, encore aujourd’hui, apparaît d’une extraordinaire modernité. Le times peut être lu comme source et matrice de toute l’œuvre à venir.
Le times s’interrompt le 3 novembre 1959. C’est que Julien passe en jugement le 4 novembre et qu’il est condamné à quinze mois de prison. Dès lors, les lettres qu’ils échangent depuis leurs cellules remplacent l’écriture du journal.
Nous avons confié à Béatrice Cussol, qui a illustré Je hais les dormeurs de Violette Leduc, le soin de réunir autour d’elle quatre artistes pour travailler sur le journal d’Albertine Sarrazin : Dominique de Beir, Fabienne Audéou, Anne-Lise Coste, The Pit.
Lisez les premières pages du Times en cliquant ICI
21 euros TTC
Parution : novembre 2013
ISBN : 978-2-916130-57-6
152 pages
Ouvrage publié avec le soutien du Conseil régional de Bourgogne
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« C’est en connaissance de cause que, chaque fois que possible, je me risque à recommencer un journal, avec l’espoir de sauver quelques miettes du naufrage… Jusqu’à présent, cela n’a pas réussi : tous mes écrits ont été confisqués ou égarés. Pourtant, je réitère, car je crois cette fois qu’il n’y aura pas de naufrage. Et j’aime mieux risquer que gribouiller, vingt ans après et les pieds dans les pantoufles, des mémoires aussi mensongers que peu vivants. Ce sera amusant de confronter… Je m’efforce à la clarté, et à bannir les élucubrations, le style télégraphique… mais bien difficile et peu attrayant. Si charmant les phrases mal tournées, brèves puis sans transition contournées et essoufflantes, émaillées de ces formules mi-étranger mi-nègre que je pige seule… Ai-je rêvé de ce mélange de calligraphie et de gribouillis, d’argot et de Marie-Chantal, d’ordure et de poème. Sautiller, mordre et rejeter, faire la biffe dans le grand tas des impressions, et tout à coup, rayonnante et les reins cassés, élever au bout de ses doigts une image toute neuve, qui dormait sous la poussière, et qui à présent étincelle au soleil… »
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